Sur l’apport des contradictions pour l’invention

La TRIZ (acronyme russe pour Théorie de Résolution des
Problèmes d’Invention) a été développée, à partir de la fin des années 50 et
jusqu’au milieu des années 80, dans le bloc soviétique, sous l’impulsion de
Genrich Altshuller. L’objectif premier d’Altshuller était de permettre aux
ingénieurs d’être en mesure de trouver des solutions aux problèmes auxquels ils
étaient confrontés. Dans ce but, lui et son équipe ont analysé des centaines de
milliers de brevets afin de comprendre en quoi une solution inventive était
inventive. Plusieurs constats ont été faits, parmi lesquels on retient
notamment l’apport du formalisme de la contradiction comme formulation de
problème. Ainsi G. Altshuller expliquait qu’inventer revient à résoudre des
contradictions (G. S. Altshuller, Creativity as an Exact Science, 1984.).
Prenons par exemple, un système de chaine plus pignons, qui, un jour, fut une
invention. Qu’a apporté ce système, en quoi a-t-il été une invention, par
rapport à ce qui existait déjà auparavant ? En fait, le système de
chaine-pignons rassemble les avantages d’un système d’engrenages direct, dans
la qualité de la transmission d’effort (sans perte liée à des glissements ou
déformations) ; et du système de roue plus poulie, en permettant de mettre
de la distance entre le point de de génération de l’énergie et son point de
restitution.
Dans la TRIZ, l’un des postulats est qu’inventer
signifie résoudre un problème, pour lequel aucune solution n’est connue a
priori. Ainsi, les démarches de résolution de la TRIZ poussent à reformuler ce
problème, pour comprendre les contradictions à résoudre inhérentes au problème.
Un système de contradictions a ainsi été décrit, dans le cadre de travaux
cherchant à généraliser les apports de la TRIZ à tout type de problèmes, et pas
uniquement ceux liés à la conception de systèmes techniques (OTSM ref). Ce
système de contradictions met en évidence la raison (valeurs requises d’un
paramètre d’action) qui empêche de satisfaire simultanément deux paramètres du
cahier des charges (deux paramètres d’évaluation). Ainsi, si nous tâchons de
formuler le système de contradictions représentant le problème résolu par notre
système de chaine plus pignons, nous pouvons considérer que la chaîne doit être
rigide (paramètre d’action : rigidité, valeur 1 : rigide) afin de
transmettre efficacement l’effort (paramètre d’évaluation 1 : efficacité
de la transmission), mais qu’elle doit être souple (paramètre d’action :
rigidité, valeur 2 : souple) afin de pouvoir s’enrouler autour des roues
dentées (paramètre d’évaluation 2 : distance de la transmission).


L’un des apports principaux de ce système de
contradictions, outre de faire comprendre les limites des choix de conception,
est de permettre de faire des analogies entre des systèmes totalement
différents, mais ayant pour point commun de résoudre le même problème, et qui
plus est, de la même manière ! Comment est résolue la contradiction
relative à la chaîne, d’être à la fois rigide et souple ? La solution est
simple, une fois qu’elle est formulée, la chaîne est globalement souple, mais
composée d’éléments qui sont rigides (les maillons). Ce principe de résolution,
avoir un système globalement souple, composé d’éléments rigides se retrouvent
pour résoudre la même contradiction dans : un volet roulant, un bracelet
de montre, un pouf, et même le corps humain (sa colonne vertébrale).